Patrick Drahi a dévoilé le pourquoi de la fusion avec SFR à l’occasion d’une conférence de presse ce matin à Paris. La marque SFR devrait à terme prendre le dessus sur Numericable. Le nouveau groupe a des objectifs ambitieux en terme de part de marché auprès du grand public et des entreprises...
«Je n’avais pas beaucoup de doute sur la décision du Conseil d 'administration de Vivendi car c’était le meilleur projet technologique» a déclaré Patrick Drahi ce matin.
Le principal actionnaire du groupe Numericable et d’autres opérateurs du câble en Europe estime en effet que le réseau en fibre longue distance de SFR va permettre de relier de nombreuses boucles locales de Numericable.
«L’avenir du mobile c’est le fixe, la fibre. Le CA de SFR devrait être à terme à moins de 50% dans le mobile contre 60% aujourd’hui» a-t-il proclamé.
En effet, même si le revenu moyen par abonné de SFR est dans la moyenne haute de ses concurrents, il est bien en dessous de celui de Numericable à 33 euros contre 41 euros.
SFR-Numericable vise via ce rapprochement à créer un champion du haut débit avec une part de marché de 45% dans le fixe au niveau du grand public contre 25% aujourd’hui pour les 2 groupes.
Numericable vise 12 millions de foyers équipés d'une prise en 2017 et 15 millions en 2020 contre 5 millions aujourd'hui : «nous arriverons faclement à tenir ces objectifs a-t-il assuré notamment grâce au réseau d'interconnexion de SRF. «SFR dispose d'un important réseau haut débit pour relier ses antennes mobiles sur tout le territoire» a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le PDG de Numericable, beau joueur, a laissé la porte ouverte à Bouygues en estimant qu’il était ouvert à une approfondissement du partenariat. «Nous sommes prêts à améliorer nos accords si Bouygue le veut».
Car Bouygues a scellé un accord avec Numericable dans le fixe pour commercialiser son offre Fibre/coaxiale.
Suite à ce partenariat, Bouygues Telecom est aujourd'hui le numéro deux dans le domaine avec 363000 abonnés contre 1,041 million pour Numericable, 319000 pour Orange et 197000 pour SFR (source ARCEP).
L’opérateur compte d’ailleurs travailler avec ses concurrents comme Orange pour mutualiser les réseaux afin de mieux couvrir le territoire.
Objectif de 30% de part de marché entreprise
Sur le marché entreprises, la nouvelle entité a également de grandes ambitions avec un objectif d’un minimum de 30% de part de marché contre 20% aujourd’hui.
«La part de marché de SFR n’a pas évolué ces 4-5 dernières années. Quant à Completel (qui appartient à Numericable) sa part de marché a fortement progressé à 9%. Mais avec Completel nous ne participions jusqu’à présent qu’à 35% des appels d’offre du marché et n’en gagnions que 30%. Grâce à SFR nous allons pouvoir mutualiser nos forces commerciales et répondre à tous les appels d’offre» explique Patrick Drahi.
A terme le groupe et la plupart des services porteront la marque SFR après une phase de transition. Avec ce rachat Patrick Drahi vise à réaliser 1 milliard d’euros de synergies en cash.
SFR va pouvoir bénéficier des reports de pertes de Numericable du fait des investissements dans le câble, ce qui va permettre au groupe constitué de conserver la même rentabilité malgré un endettement plus important. Les gains de part de marché au niveau du grand public et des entreprises font également partie du montage.
SFR a actuellement une dette de 6 milliards contre 2,5 milliards d’euros pour Numericable.
Le paiement en cash de 11,75 milliards proviendra principalement d’une augmentation de capital de Numericable et d’un endettement d'environ 7,5-8 milliards non via LBO, mais par «de la dette bancaire sans contrainte» explique Patrick Drahi. Pour l'entrepreneur, il s'agit d'une reprise/refinancement des dettes de SFR à hauteur de 6 milliards, soit un endettement net en sus de 2,5 milliards. A voir...
«Sur ces 11,5 milliards la majorité viendra de l’augmentation de capital et le surcroit c’est de la dette. D’un point de vue financier le projet est bouclé de A à Z» a martelé Patrick Drahi.
Pour le reste il faudra attendre l’accord des autorités de la concurrence et travailler à faire accepter le projet par les salariés : «nous y travaillons depuis longtemps» a-t-il ajouté.
Ce financier hors pair s’il réussi à racheter SFR aura touché le jackpot.
Mais de nombreux obstacles jalonnent encore ce rachat comme l'accord des autorités et le peu d'entrain des ministres : «j'ai un projet, l'état veut faire respecter la concurrence et conserver les emplois, chacun est dans son rôle» a-t-il remarqué tout en notant malicieusement que des rapprochements entre opérateurs cablés et mobiles ont déjà eu lieu dans les DOM-TOM et qu'ils avaient été acceptés par les autorités...
Si l'accord se fait le grand perdant sera sans doute Orange, dont l'actionnaire principal est...l'Etat.
Car Numericable-SFR disposera alors d'une offre très concurrentielle et d'un réseau très capillarisé en France, comme l'opérateur historique.
Face à cette fusion d'importance, Bouygues et Free pourraient alors décider de se rapprocher ou de sceller des partenariats, ce qui fragiliserait encore plus Orange.
Un basculement du marché inimaginable il y a quelques années.